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16 janvier 2011 7 16 /01 /janvier /2011 20:53

 

Message 20 janvier 2011

Retrouvez cet article mis à jour dans notre livre PDF gratuit.

 

 

 

En qualité de fondation reconnue d’utilité publique faisant appel à la générosité du public, la Fondation Raoul Follereau est tenue de publier ses comptes annuels.

Depuis plusieurs années, déjà, ces comptes, y compris le rapport des commissaires aux comptes, sont disponibles sur internet (voir tous les liens dans notre bibliographie ici).

La consultation de ces comptes nous a permis d’identifier ce que nous considérons être une grave irrégularité dans l’information financière communiquée aux donateurs.


Propos généraux sur les obligations comptables des organismes faisant appel à la générosité du public.

Afin d’améliorer la transparence des organismes faisant appel à la générosité du public et l’information des donateurs, il a été décidé de renforcer les obligations de transparence financière des organismes faisant appel à la générosité du public.

Parmi ces obligations récentes figure le Compte Emploi Ressources (CER). Ce compte permet de détailler la nature des revenus et des dépenses de l'organisme.

C’est essentiellement le poste des dépenses, qualifiés "emplois" qui va nous intéresser. Cette ventilation des dépenses (i.e. emplois) par nature permet d’informer les donateurs sur la quote-part de leur générosité qui bénéficie réellement, in fine, à la cause qu’ils ont voulu soutenir.

Il faut souligner combien ce CER est essentiel car il permet de lire la performance opérationnelle des organisations caritatives : plus la quote-part des dépenses affectées aux "missions sociales" est élevée, plus l’organisme a été respectueux et économe de l’argent et de l’intention de ses donateurs.

Concrètement, les emplois se décomposent en trois postes principaux :

- les missions sociales,

- les frais de recherche de fonds,

- les frais de fonctionnement et autres charges.

Dans cette ventilation, le poste « missions sociales » regroupe les dépenses engagées dans le cadre des projets qui caractérisent ce pourquoi l'organisme est réputé se battre et collecter des fonds.

Le poste « frais de recherche de fonds » porte bien son nom puisqu’il regroupe les dépenses engagées dans le cadre de la quête de fonds afin de financer les missions sociales.

Enfin, le poste « frais de fonctionnement », sorte de voiture balai, regroupe le reste, c'est-à-dire les dépenses qui ne sont pas, à proprement parler, des missions sociales, et qui ne servent pas non plus à collecter des fonds.


Que révèlent les comptes de la Fondation Raoul Follereau ?

Concernant plus particulièrement la Fondation Raoul Follereau, nous avons pu obtenir les CER depuis l’année 2005 jusqu’à ceux de l’année 2009.

Nous allons procéder à une distinction entre la période 2005-2008 et l’exercice 2009.

Pour chacune de ces années, la Fondation Raoul Follereau a créé, au titre de ses « missions sociales », un sous-post intitulé « Actions d’information liées aux missions sociales ».

Selon la Fondation Raoul Follereau, il s’agit « des dépenses engagées pour la diffusion du message de Raoul Follereau et la sensibilisation du public à ce message et aux missions sociales. ».

Le sujet est d’importance car les montants le sont. En effet, ce sous-poste pèse particulièrement lourd :

- en 2005, il s’élève à 1,631 millions d’euros (soit 17% du poste total « Missions sociales ») ;

- en 2006, il s’élève à 1,713 millions d’euros (soit 17% du poste total « Missions sociales ») ;

- en 2007, il s’élève à 1,695 millions d’euros (soit 16% du poste total « Missions sociales ») ;

- en 2008, il s’élève à 1,926 millions d’euros (soit 18% du poste total « Missions sociales »).

Soit un total de 6,965 millions d’euros, sur ces quatre exercices (2005-2008).

L’impact de cette question est significatif puisque l’indice de performance de la fondation en dépend.

Par exemple, pour l’exercice 2008, la Fondation Raoul Follereau annonce que 70,12% des emplois ont été consacrés aux missions sociales. Concrètement, cela signifie que, sur 100 euros dépensés par la Fondation Raoul Follereau, moins de 30 euros se sont évaporés en frais de fonctionnement ou en frais de recherche de fonds.

70,12% est un indice de performance tout à fait correct.

En revanche, si nous considérons que la totalité de ces dépenses « Actions d’informations liées aux missions sociales » ne relèvent pas, en réalité, du poste « Missions sociales », et devraient plutôt être basculées dans l’une des deux autres catégories, l’indice de performance tombe à 57,18%, soit en dessous des 66% exigés par le bureau de certification Véritas.

Effectivement, 57,18% serait un piètre indice de performance.

Afin d’identifier si ces dépenses sont bien à leur place dans le poste « missions sociales », il faut les examiner ligne à ligne.


Les actions d'informations liées aux missions sociales de la Fondation Raoul Follereau : des frais de fonctionnement ou de collecte déguisés ?

Pour les quatre années concernées, la sous-catégorie « Actions d’information liées aux missions sociales », la Fondation Raoul Follereau indique  :

- Journal « Lèpres » ;

- Réseau des bénévoles ;

- Service des comités ;

- Congrès.

De quels compléments d’informations disposons-nous ?

Pour chacune de ces quatre années, à quelques variations près, l’annexe apporte les précisions suivantes sur la nature précise de ces dépenses :

« - les dépenses des numéros du journal « Lèpres » communiquant aux donateurs les informations sur les projets terrain ;

- les frais du service de gestion du réseau de bénévoles, des frais des délégations ;

- les charges du congrès annuel qui rassemble, bénéficiaires des aides, représentants des pays étrangers dans lesquels la Fondation est présente, bénévoles qui participent tout au long de l’année à son action et salariés du siège. »

De façon générale, la terminologie employée (« dépenses engagées pour la diffusion du message de Raoul Follereau et la sensibilisation du public à ce message et aux missions sociales. ») est susceptible de donner lieu à de multiples interprétations et il semble impossible de faire la frontière entre « sensibilisation du public aux missions sociales » et sollicitation de la générosité de ce même public pour leur financement.

Or, la sollicitation de la générosité du public relève du poste « frais de recherche de fonds » et non de celui « missions sociales ».

Nous allons appuyer notre démonstration sur des éléments factuels extrêment précis.

 

Les délégations, bénévoles et réseaux

Les délégations et les bénévoles ont principalement pour activité d’organiser la journée mondiale des lépreux, le dernier week-end de chaque année. Le reste de l’année, ils organisent eux-mêmes ou accompagnent des tiers qui organisent des événements dédiés à Raoul Follereau et aux œuvres financées par la Fondation Raoul Follereau.

Le site internet de la Fondation Raoul Follereau indiquent clairement les objectifs du réseau des bénévoles (ici) :

« - provoquer et entretenir des relations avec les media locaux, les institutions, les mouvements,   les clubs, les notaires… ;

- mobiliser les jeunes (scolaires, scouts, aumôneries…)

- représenter la Fondation dans les forums associatifs et toutes manifestations de proximité

- sensibiliser et mobiliser le grand public à travers des initiatives diverses et variées, pour parler de Raoul Follereau et collecter des fonds en faveur des actions qui se poursuivent en son nom. »

La lecture des numéros du journal Lèpres donne régulièrement des exemples des tombolas, lâchers de ballons, lotos et autres manifestations culturelles organisés par le réseau des délégations et des bénévoles (voir ici les numéros récents du journal Lèpres).

Il est patent de constater que ces événements sont, de façon quasi-systématique, l’occasion de faire connaître la Fondation Raoul Follereau, les actions qu’elle entreprend, dans le but, soit de recruter de nouveaux bénévoles, soit de collecter des fonds, soit les deux.

Par exemple, ce document montre comment une opération apparemment anodine, destinée aux enfants afin de leur apprendre le sens de la charité, une "opération cerfs-volants", se transforme en opération de collecte de fonds au profit de la Fondation Raoul Follereau (voir le document ici).

De même, les conférences et animations déployées pour faire connaître Raoul Follereau constituent autant d'opération de communication et de publicité au profit de la Fondation Raoul Follereau.

Les dépenses liées à au réseau, aux comités et aux délégations devraient donc figurer tantôt dans les « frais de recherche de fonds » tantôt dans les « frais de fonctionnement ».

 

Le Congrès annuel

Concernant le congrès annuel, les éléments à notre disposition permettent de considérer qu’il s’agit d’un vaste séminaire de cohésion et de stimulation à l’image des stages de team building qui peuvent exister dans n’importe quelle autre entreprise ordinaire : salariés, bénévoles et relations de la Fondation Raoul Follereau viennent se retrouver afin de partager des bonnes pratiques, se donner des conseils et des idées, écouter quelques conférences prononcées par telle ou telle notoriété du secteur, bref partager un bon moment ensemble de telle façon que chacun rentre chez soi gonflé à bloc et prêt à en découdre pour les douze prochains mois.

André Récipon président fondateur de l'Association Française Raoul Follereau, président d'honneur de la Fondation Raoul Follereau et père de l'actuel président du directoire de la Fondation Raoul Follereau, affirmait à propos des congrès organisés chaque année par la Fondation Raoul Follereau (cité par Jean d'Alançon dans sa biographie Raoul Follereau - Fraternités spirituelles, éditions Fayard, 1995 page 285) :

« C'est au lendemain de la mort de Raoul Follereau que nous avons inauguré le premier de nos congrès. Nous avions alors, cherché à élargir notre réunion annuelle en dehors du cadre toujours formel d'une assemblée générale. Puis l'habitude s'est imposer de distinguer les deux rencontres. L'Assemblée Générale permet de faire le point de l'année écoulée. Le Congrès prépare la prochaine Journée Mondiale des Lépreux au moment où chacun a repris des forces pendant les vacances. (...) Le Congrès est un lieu de réflexion sur nos activités et nos orientations. »

Les dépenses liées à l’organisation du congrès annuel devraient donc, eux aussi, figurer tantôt dans les « frais de recherche de fonds » tantôt dans les « frais de fonctionnement ».

 

Le Journal Lèpres

Nous serons plus précis encore concernant le journal Lèpres, le support de communication de la Fondation Raoul Follereau.

Nous faisons au moins quatre constatations.

1. Tout d’abord, le contenu rédationnel du journal Lèpres est un constant appel à la générosité du public tantôt implicite, tantôt explicite : édito de Michel Récipon appelant à la générosité ou à la fidèlité des donateurs, descriptions de projets à financer ou encours de financement avec, souvent, la pastille explicite « Aiderez vous Untel ? », quatrième de couverture systématiquement dédiée à une publicité explicite en faveur des dons, legs et assurance sur la vie consentis au profit de la Fondation Raoul Follereau, etc.

Décortiquons, par exemple, le journal Lèpres de mai 2008 (ici). En première page de couverture, une pastille rappelle les nouvelles dispositions relatives à la réduction d’impôt sur la fortune, en page 2, un sommaire et la présentation des quatre grands engagements de la Fondation Raoul Follereau, en page 3 un édito de Michel Récipon qui invite à semer l’Amour pour récolter la Vie (autrement dit, à faire oeuvre de générosité en donnant), en page 4, la mise en valeur d'un consultant travaillant pour la Fondation Raoul Follereau, page 5 un article sur une sœur à Madagascar avec une pastille « Ils agissent en notre nom mais ne peuvent le faire sans nous ! », page 6 et 7 un article sur les puits qui s’achève sur un encart « 1 puit = 600 € ! 10 familles de France peuvent financer la résurrection d'un village ! », pages 8 et 9 un article sur l’enfance avec, en première page de l’article, une pastille « Voulez-vous nous aider ? », pages 10 et 11 un article qui s’achève sur un encart « Aidons Florence, Elle a besoin de 5.000 € pour démarrer », page 12 l’agenda des événements organisés au profit de la Fondation Raoul Follereau, page 14 le courrier des donateurs, page 15 page complète sur les moyens pour faire un don, et dernière page – quatrième de couverture, le seconde plus importante après la première de couverture – consacrée à une publicité en faveur des dons, legs et autres assurance vie en faveur de la Fondation Raoul Follereau.

2. Ensuite, nous relevons que l’envoi par la poste du journal Lèpres inclus systématiquement un formulaire de don et d’une enveloppe T pour la réponse : il s'agit donc bien d'un envoi duquel des retombées financières sont espérées par la Fondation Raoul Follereau

3. Également, le journal précise lui-même aux donateurs qui acceptent d’opter pour le prélèvement automatique qu’ils seront moins sollicités car ils recevront moins de numéros du journal Lèpres. Ceci est bien la preuve que le journal Lèpres est avant toute autre chose un outil de sollicitation de la générosité des lecteurs.

4. Enfin, argument ultime que nous trouvons dans la bouche même de Michel Récipon. Dans un article de presse disponible ici sur internet, à la question « comment financez-vous vos actions ? », Michel Récipon répond :

« Nous faisons appel à la générosité des donateurs en France par le biais de notre journal bimestriel Lèpres, par des mailings, par des parutions dans la presse. L’autre source de rentrée d’argent est la Journée Mondiale des Lépreux, créée par Raoul Follereau en 1954. » 

Voilà donc Michel Récipon, président du directoire de la Fondation Raoul Follereau qui affirme, à son tour, que le journal Lèpres est un instrument pour faire appel à la générosité des donateurs.

Par conséquent, les dépenses liées au journal Lèpres devraient figurer dans les « frais de recherche de fonds ».

 

Conclusion pour les exercices 2005 à 2008

En synthèse de ce qui précèdent, concernant la période 2005-2008, la décision de la Fondation Raoul Follereau de qualifier en totalité ces dépenses (réseau, délégations, journal, congrès) de « missions sociales » nous semble particulièrement contestable.

Ce choix a eu pour effet, selon nous, d'améliorer de façon artificielle l’indice de performance de la Fondation Raoul Follereau. Selon nos calculs, les enjeux chiffrés seraient les suivants :

Année

Pourcentage des emplois consacrés aux missions sociales déclaré par la Fondation Raoul Follereau

Pourcentage des emplois consacrés aux missions sociales, hors « Actions d’informations liées aux missions sociales »

2005

64,75%

53,50%

2006

69,48%

57,64%

2007

73,56%

61,38%

2008

70,12%

57,18%

 

L’année 2009 va, paradoxalement, nous donner partiellement raison.

 

Les nouveautés de l'exercice 2009 : l'autopromotion devient une mission sociale

Tout d'abord nous relevons les modifications suivantes (qui vont dans le sens de notre argumentation précédente), concernant les dépenses rattachées aux "missions sociales" :

- les frais du réseau de bénévoles ne sont pris en compte plus que pour 9/12ème de leurs montants ;

- les frais d’édition et d’envoi des journaux « Lèpres » ne sont pris en compte plus que pour 80% de leurs montants ;

- la phrase n’est pas très claire, mais il semblerait que les coûts relatifs à certains numéros du journal Lèpres (comptes et prospection) soient complètement exclus.

En revanche, nous sommes au regret de constater plusieurs facteurs d’inquiétudes supplémentaires par rapport aux pratiques antérieures.

Tout d’abord, la Fondation Raoul Follereau a fait disparaître le sous-poste contesté d’« Action d’informations liées aux missions sociales » pour le remplacer par une nouvelle mission sociale en tant que telle, intitulée : « Diffusion du message de Raoul Follereau ».

Dorénavant, la diffusion du message de Raoul Follereau est une mission sociale, au même titre que les quatre autres domaines d’interventions de la Fondation Raoul Follereau (aide aux lépreux et programmes de santé, aide au développement, aide aux enfants en détresse, aide à la réinsertion par l’emploi en milieu rural en France).

Les montants sont extrêmement importants : en 2009, ce nouveau poste atteint le montant de 1,790 millions d’euros, soit 17% du poste total « Missions sociales » (quasiment 12 millions de francs pour ceux encore habitués au franc pour les montants importants !).

En revanche, contrairement aux années 2005 à 2008, nous ne disposons plus du détail des montants, ligne à ligne. Nous regrettons ce surcroît d'opacité dans les comptes.

Seraient concernés dans cette nouvelle mission sociale, outre les items déjà mentionnés ci-dessus, les dépenses relatives :

- à la publication des documents sur la vie et la pensée du fondateur ;

- les frais des actions de promotion de l’image et de la notoriété du fondateur ;

- les frais de communication « grand média ».

Nous avons déjà exprimé ci-dessus combien il nous parait illusoire de prétendre faire une distinction entre la promotion de l'image et de la notoriété de Raoul Follereau et la promotion de la Fondation Raoul Follereau.

Nous persistons donc dans notre précédente analyse selon laquelle la Fondation Raoul Follereau qualifie de « missions sociales » des dépenses qui relèvent tantôt de frais de fonctionnement, tantôt de frais de publicité (et donc, de recherche de fonds).

La conséquence directe de cette situation se trouve dans une amélioration, artificielle selon nous, de l’indice de performance de la Fondation Raoul Follereau.

Année

Pourcentage des emplois consacrés aux missions sociales déclaré par la Fondation Raoul Follereau

Pourcentage des emplois consacrés aux missions sociales, hors « Diffusion du message de Raoul Follereau »

2009

70,39%

58,39%

 

Quelle que soit la légitimité de la Fondation Raoul Follereau à qualifier ces emplois de "missions sociales", il nous semble important que les donateurs de la Fondation Raoul Follereau soient informés de cette situation.

Nos lecteurs doivent également savoir que nous avons sollicités la Fondation Raoul Follereau par mail, le 18 décembre 2010, afin d’obtenir des informations plus détaillées sur ces éléments chiffrés et sur les motivations de leur position. La Fondation Raoul Follereau nous a répondu le 23 décembre, par mail également, en nous informant qu’elle refusait de fournir les informations complémentaires demandées, prétextant qu’elle n’était tenue de ne répondre qu’à des demandes nominatives.

Sur le fond, nous considérons qu’anonyme ou non, toute personne est en droit d’obtenir des éclaircissements sur les choix comptables des organismes reconnus d’utilité publique, a fortiori concernant la Fondation Raoul Follereau, qui, chaque années, collecte des fonds dans la rue auprès de donateurs … anonymes.


Nous poursuivons notre enquête.

 

 

 

 

Pour être sûr de lire la dernière version de cet article, consulter notre blog ici.

http://follereau-entre-ombre-et-lumiere.over-blog.com/ 


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