Message 20 janvier 2011
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Nous poursuivons nos travaux d'étude sur la vie de Raoul Follereau et ses faces cachées.
Rappels du contexte
Précédemment, nous avons exposé les idées politiques de Raoul Follereau. Nous avons ainsi vu que Raoul Follereau a été un fervent partisan d'une conception réactionnaire et antimoderniste de la société française et de ses institutions.
Pour Follereau, la civilisation latine se définit par l'Ordre, la Clarté et la Discipline. Les valeurs prioritaires sont, avant toute autre chose, Dieu et la Patrie (considérés comme un "Idéal") ainsi que la Famille et le Travail (voir ici).
Avec sa Ligue d'Union Latine, fondée en 1927, Raoul Follereau se donne pour objectif de "défendre la civilisation chrétienne contre tous les paganismes et toutes les barbaries".
Sont visées les forces de l'anti-France dénoncées par Charles Maurras - le maître à penser de Raoul Follereau - et, de façon générale, tous les ennemis de la "France réelle".
Parmi les ennemis de la "France réelle" dénoncés par les maurassiens, nous pouvons comprendre :
- - les sans-Dieu, tels les francs-maçons et autres laïcistes à l'origine des lois anti-religieuses de 1904 et de séparation de l'Église et de l'État de 1905,
- - les sans-Patrie tels les internationalistes que sont supposés être les communistes et les Juifs,
- - les non catholiques tels les Juifs, à nouveau, mais également les protestants,
- - les catholiques modérés et ralliés à la République, tels les membres du Sillon,
- - et, de façon générale, toutes celles et tous ceux qui sont influencés par le modernisme, l'idéologie bourgeoise, libérale et individualiste.
Dans ce contexte, il n'est guère étonnant de lire le passage suivant (Étienne Thévenin, Raoul Follereau, Hier et aujourd'hui, Fayard, 1992, page 151) :
"Pour Raoul Follereau et de nombreux catholiques maurassiens, le Maréchal Pétain est l'homme providentiel qui gomme la période 1789-1940.
Il est le sauveur envoyé à la France aux yeux que ceux qui depuis des années rêvaient de héros et de personnages exemplaires et fustigeaient la IIIème République."
Cette attraction de Raoul Follereau pour le Maréchal Pétain n'est pas nouvelle. En 1937, déjà, Raoul Follereau vantait dans son numéro de mai de L'Œuvre latine son "prestige", son "autorité" et sa "gloire universelle". De façon générale, le maréchal Pétain bénéficiait d'une excellente notoriété dans les milieux d'extrême-droite et, plus généralement, auprès d'une grande partie des Français.
Exemple de propagande du régime de Vichy
autour de la personne du Maréchal
Raoul Follereau au service de la Révolution Nationale
Concrètement, Raoul Follereau compte bien mettre à profit la "divine surprise" (la formule est de Charles Maurras) que constitue l'accession au pouvoir du Maréchal Pétain.
Le 10 juillet 1940, date à laquelle les parlementaires français réunis à Vichy accordent les pleins pouvoirs à Philippe Pétain, Raoul Follereau s'y trouve également.
Il sait que ses idées, toutes ses idées, sont à l'honneur.
Selon Thévenin, Raoul Follereau aurait décliné, à plusieurs reprises, des propositions de postes dans le gouvernement de Vichy. Non pas pour des raisons de désaccord sur le fond, mais dans le souci de conserver sa liberté d'action (Thévenin, page 152).
Toujours est-il que, dans les mois qui vont suivre, Raoul Follereau va multiplier ce qu'il sait faire de mieux : les conférences. Chaque jour, nous raconte Thévenin, il part en voiture et multiplie les conférences dans des villes et bourgs de toutes tailles. Lors de ces conférences à la fréquentation variable, Raoul Follereau se fait l'avocat du Maréchal Pétain. Il met ses indéniables talents oratoires au service des "thèmes moraux de la Révolution nationale" (Thévenin, page 155).
Il convient ici de préciser que le pétainisme de Raoul Follereau ne fut pas une erreur de jeunesse ou un soutien ponctuel.
Il faut le dire clairement : l'adhésion de Raoul Follereau aux idées de la Révolution Nationale relève d'une démarche intellectuelle profondément ancrée en lui. Elle remonte au milieu des années 1920, période pendant laquelle il se forge une conscience politique au contact de la faculté de droit et de l'Action française qui y règne en maître (ici).
Même si, après la guerre, Raoul Follereau aura appris la prudence et taira ses convictions politiques profondes, son pétainisme restera intact jusqu'à sa mort (ici).
Étienne Thévenin nous l'indique :
- - à la fin de la guerre "Raoul Follereau reste fidèle à la personne du Maréchal" (Thévenin page 175) ;
- - en 1945, Raoul Follereau est "atterré et bouleversé par la condamnation à mort du Maréchal Pétain" ;
- - à la même période, Raoul Follereau "assiste, impuissant, à la déroute de ses idées (...) Il s'écarte alors de l'engagement politique" (page 183) ;
- - en 1950 "ses rapports avec le monde politique ont changé après la guerre, même s'il a conservé l'essentiel de ses idées" (Thévenin, page 238).
C'est André Récipon lui-même qui nous donne l'ultime confirmation du pétainisme persistant de Raoul Follereau : "Toute sa vie, Raoul Follereau restera fidèle au Maréchal" écrit-il en 2001 dans la revue Le Maréchal de l'Association pour Défendre la Mémoire du Maréchal Pétain que nous avons déjà abordée ici.
Cela mérite donc un examen de ce que sont le pétainisme et la Révolution Nationale.
Qu'est-ce que la Révolution Nationale ?
Il serait ambitieux de prétendre résumer les "thèmes moraux de la Révolution Nationale" dans cet article qui veut tenter de rester court et didactique.
Le premier axe de réflexion qui mérite d'être signalé, c'est le fait que le Maréchal Pétain s'inscrit dans une démarche de redressement moral rendu nécessaire par la déliquescence de la société française. Cette situation serait la conséquence directe du régime parlementaire de la IIIème République.
Pour Pétain (rejoint en cela de nombreux auteurs militants d'extrême-droite dont Raoul Follereau ainsi que André Récipon - voir ici son propos sur les causes de la guerre), la véritable cause de la défaite de juin 1940 est à chercher dans ce système démocratique néfaste et non dans l'armée et dans ses chefs.
D'ailleurs, Pétain n'a pas attendu le début effectif des hostilités concrètes pour faire preuve de défaitisme. Il ne cache pas aux oreilles ennemies son sentiment sur l'issue de la guerre : ainsi, dès novembre 1939 (donc deux mois après les déclarations de guerre entre la France, l'Angleterre et l'Allemagne mais encore en pleine "drôle de guerre"), le Maréchal Pétain est réputé, dans les chancelleries italiennes et allemandes, pour être en France le représentant de ceux qui souhaitent la paix et l'arrêt des hostilités avec l'Allemagne nazie (page 9 de la préface de Maurice Moissonnier dans De la République à l'État français : le chemin de Vichy, 1930-1940, Jean Lévy, éditions L'Harmattant, consultable en partie sur internet ici).
Au printemps 1940, alors qu'il est ambassadeur de France auprès de Franco et tenu à un évident devoir de réserve et de discrétion sur son propre pays, ses propos sur la désorganisation de la France sont rapportés jusqu'à Berlin (ibid).
Le 18 mai 1940, soit après seulement huit jours d'hostilités, alors qu'il est devenu président du Conseil, il s'épanche auprès de l'ambassadeur espagnol sur ce qu'il estime être un désastre militaire en cours, propos immédiatement retranscrit aux Allemands (ibid).
Ces indiscrétions communiquées à l'oreille des ennemis sont évidemment scandaleuses pour un miitaire digne de ce nom. Dans un sysème pénal ordinaire, ces faits seraient passibles du peloton d'exécution pour haute trahsion. Néanmoins, ce n'est pas ce qui nous intéresse ici. Nous y voyons surtout la démonstration que, pour le Maréchal Pétain, le problème se situe avant tout à un niveau institutionnel et politique et non à une niveau strictement de stratégie militaire.
La Révolution Nationale entend donc se construire d'un point de vue institutionnel par opposition à ce que la France a connu au cours des soixante dernières années et, plus généralement, depuis l'abolition de la monarchie due à l'émergence des idées libérales et modernistes de 1789.
"Notre défaite est venue de nos relâchements. L'esprit de jouissance détruit ce que l'esprit de sacrifice a édifié. C'est à un redressement intellectuel et moral que, d'abord, je vous convie."
(Pétain, discours du 25 juin 1940).
"Le désastre n'est (...) que le reflet, sur le plan militaire, des faiblesses et des tares de l'ancien régime politique."
(Pétain, discours du 11 octobre 1940).
Sur les principes, l'État français de Vichy sera par conséquent un régime politique antidémocratique, fortement hiérarchisé, qui repose sur l'effacement des libertés individuelles devant l'intérêt supérieur des cellules fondamentales que sont la famille, la corporation professionnelle, la commune, la région, ou la patrie.
Ce régime s'inspire directement, mais pas en totalité, des conceptions de Charles Maurras.
Vichy : un régime raciste et xénophobe
L'élément sous-jacent de la pensée de Charles Maurras, et donc, automatiquement, du régime de Vichy, consiste dans l'assainissement de la nation française.
En effet, selon Charles Maurras et ses disciples, le déclin de la France a été causé par des éléments nuisibles intérieurs qui l'ont écartée de sa vocation royale et chrétienne.
Les tous premiers textes législatifs et réglementaires du Maréchal Pétain vont justement avoir pour objectif de restaurer la cohésion de la communauté nationale.
D'ailleurs, le Maréchal Pétain de fait pas secret de ses sentiments personnels : "Voici ma formule que je vous donne, je n'aime pas les Juifs, je déteste les communistes et je hais les francs-maçons" (page 9 de la préface de Maurice Moissonnier dans De la République à l'État français : le chemin de Vichy, 1930-1940, Jean Lévy, éditions L'Harmattant, consultable en partie sur internet ici).
Ainsi, dès juillet 1940, des mesures sont prises afin d'écarter les francs-maçons des postes importants de la fonction publique. Par exemple, un homme comme Bernard Faÿ, nommé administrateur général de la Bibliothèqe nationale le 6 août 1940, sera chargé de mener la lutte contre l'influence des réseaux francs-maçons : édition de la revue Les documents maçonniques, réalisation d'un film et de conférences, création d'un répertoire nominatif comptant jusqu'à 60.000 fiches, etc.
Il en est de même concernant les communistes dont la traque systématique sera une constante du régime de Vichy de 1940 jusqu'à la Libération, a fortiori après le 22 juin 1941.
Outre les francs-maçons et les communistes, ce sont les Juifs, français et surtout étrangers ou d'origine étrangère, qui subissent le plus d'exactions.
Il n'est pas question de retranscrire ici toute la politique antisémite du régime de Vichy. Nous nous contenterons de n'en citer que quelques dates.
Par exemple, le régime de Vichy va réexaminer, par une loi du 16 juillet 1940 (moins d'une semaine après l'octroi des pleins pouvoirs !), les naturalisations postérieures à la législation antérieure datant de 1927. Sur 195.000 naturalisations, plus de 15.000 personnes seront déchues de leur nationalité française, dont 7.000 Juifs environ. Concrètement, cela signifie que des personnes devenues françaises depuis parfois plus de 10 ans, en toute légalité, deviendront apatrides ou devront reprendre leur nationalité antérieure.
Des décisions qui, bien souvent, leur seront fatales pour la suite des événements.
Dans le même esprit, le décret Crémieux de 1870 qui permettait l'accession à la nationalité française des Juifs d'Algérie renonçant à leur statut personnel est abrogé. Rappelons que Raoul Follereau est particulièrement proche des milieux d'Unions latines en Afrique du Nord (ici ou ici). Il ne peut ignorer que cette abrogation était fortement souhaitée et attendue par les milieux antisémites qui s'y trouvent.
Par une loi du 27 septembre 1940, tout étranger "en surnombre dans l'économie nationale" peut être interné sur décision administrative. Le 4 octobre, il en est de même pour les Juifs étrangers, mais sans conditions "de surnombre".
Le 3 octobre 1940, le premier statut des Juifs de Vichy exclut tous les Juifs de la fonction publique de l'État, de l'armée, de l'enseignement, de la presse, de la radio, du cinéma, ainsi que de certaines professions libérales. À propos du rôle de Pétain dans l'élaboration du statut des Juifs - en faveur d'un éventuel durcissement du projet initial - voir cet article pondéré d'Alain Michel : "Ce document n'apporte rien d'essentiel sur le statut des juifs d'octobre 1940. Nous savons depuis longtemps que le maréchal a insisté pour aggraver le projet, et le document vient seulement le confirmer. Il est intéressant sur le plan de la mémoire, bien plus que sur le plan de la connaissance historique, à laquelle il n'apporte rien de neuf" (ici).
Ce premier statut sera renforcé par un second statut du 2 juin 1941, étendant significativement les interdictions professionnelles des Juifs. Ce deuxième statut permet également l'internement des Juifs français sur décision administrative, entre autres mesures vexatoires.
Le 22 juillet 1941, la loi d'aryanisation permet une véritable opération de spoliation des biens appartenant aux Juifs en zone libre (entreprises, commerces, valeurs mobilières, biens immobiliers autres que la résidence principale, etc.). C'était déjà le cas dès octobre 1940 en zone occupée.
De façon générale, le recensement, le port de l'étoile jaune en zone occupée ou l'apposition de la mention JUIF sur les papiers d'identité en zone libre, la multiplication des entraves à la vie personnelle et professionnelle participent à une stratégie d'isolement et de fragilisation des conditions de vie des Juifs.
Cette stratégie aura pour effet - souhaité ou non - de faciliter, le moment venu, les futures rafles qui débutent d'ailleurs dès 1941.
Il convient de souligner ici que ces réglementations racistes et antisémites relèvent bel et bien du projet de société porté par le Maréchal Pétain.
Charles Maurras lui-même avait proposé, dès le début du XXème siècle un statut des Juifs dans lequel la nationalité française leur serait interdite.
Concernant Raoul Follereau, nous disposons de preuves qui démontrent qu'il animait et participait durant les années trente à des conférences de la droite de l'extrême-droite dans lesquelles il s'insurgeait contre l'importance que les Juifs auraient pris, selon lui, dans "toute l'industrie et le commerce" (voir notre article ici).
Dès 1936, Raoul Follereau donne des signes d'adhésion au complot judéo-bolchevique selon lequel la Révolution russe de novembre 1917 a été manigancée et pilotée par des forces occultes juives ("Lénine, ce Moïse rouge" dans La trahison de l'intelligence).
Dans un numéro de La Libre Parole de 1936 que nous avons analysé ici, des propos précurseurs de ce que sera la législation antisémite du régime de Vichy sont clairement tenus par des individus de sinistre mémoire, tels Jacques Ditte, Louis Darquier de Pellepoix ou Henry Coston. Raoul Follereau fréquente ces individus et partage la tribune avec eux. Apparemment, il n'en ressent ni gêne ni honte et encore moins de remords.
Par conséquent, l'antisémitisme du régime de Vichy lui est à la fois antérieur et consubstantiel : il n'a pas besoin des pressions allemandes pour exister. Si pressions allemandes il y a eu, elles ne sont venues que conforter une inclinaison antisémite préexistante dans le projet politique du Maréchal Pétain.
Les écrits de Raoul Follereau ainsi que la pensée politique développée dans ses conférences des années trente (voir ici) comporte un antisémitisme à la fois explicite (complot judéo-bolchevique) mais aussi implicite : le mouvement de pensée de type national-catholique auquel nous affilions volontiers Raoul Follereau croit en une France catholique, fille aînée de l'Église, chargée d'une mission spécifique d'expansion de la civilisation chrétienne.
Dans ce cadre, il devient logique de considérer le non-catholique, qu'il soit juif, bolchevique ou franc-maçon comme un obstacle à la la mission chrétienne de la France.
Vichy : un régime qui verse dans la collaboration à outrance
La première période réactionnaire et maurrassienne du régime de Vichy va, progressivement, céder la place à une nouvelle dimension : la collaboration à outrance.
Néanmoins, avant de poursuivre, il convient de rappeler quelques éléments de contexte.
En juillet 1940, Pétain et ses sbires sont convaincus que la guerre sera courte : soit l'Angleterre, consciente des faiblesses de son armée de terre, recherchera la paix avec l'Allemagne , soit elle se fera écraser sur son propre sol par les puissances de feu réunies de la Wehrmacht et de la Luftwaffe.
Si on veut bien entendre l'analyse géopolitique de Pétain, sa stratégie de collaboration qui consiste à trouver les moyens d'offrir à la France la meilleure place possible dans le futur nouvel ordre européen, nécessairement germanocentré, peut alors se comprendre : une fois la paix revenue en Europe, un traité franco-allemand conclu en bonne et due forme viendrait libérer la zone occupée des armées allemandes ainsi que les deux millions de prisonniers retenus outre-Rhin. Pour Pétain, l'armistice de juin 1940 n'est donc qu'une étape temporaire qui sera nécessairement courte.
Or, à la fin de l'automne 1940, la bataille d'Angleterre est remportée par les Spitfire de Churchill. La guerre, finalement, sera longue et les Anglais, après ce qu'ils ont enduré, sont visiblement décidés à aller jusqu'au bout. Qui plus est, les américains donnent de plus en plus de signes qu'ils ne resteront pas impassibles devant le théâtre des opérations en Europe.
Par conséquent, à la fin de l'année 1940, la stratégie de Pétain basée sur une paix européenne rapide ne tient plus. Pour autant, Pétain et Weygand ne croient toujours pas à une victoire britannique. Ils imaginent, au mieux, que le conflit s'arrêtera sans vainqueur ni vaincu : la fameuse "paix blanche" dont la France serait l'inéluctable perdante.
Il faut également dire que Pétain n'a pas un caractère très offensif. Déjà, en 1917, il est réputé pour avoir attendu les américains. Cela a sauvé des hommes, peut-être, mais, selon Éric Zemmour, cela a surtout privé la France d'une victoire totale sur l'Allemagne.
Paradoxalement, toujours selon Zemmour, c'est parce qu'aucun soldat français n'a défilé en vainqueur en 1918 à Berlin que Hitler put le faire à Paris en 1940 (source ici). Mais nous digressons.
En plus de cela, Pétain - et son entourage - restent violemment anglophobes.
Les militaires français reprochent aux anglais leurs réticences à engager la RAF pendant les périodes les plus cruciales de la campagne de France de mai/juin 1940.
De même, l'évacuation de Dunkerque a généré de la méfiance dans le haut commandement français, notamment le général Weygand qui se trouve être un des bras droit de Pétain.
Enfin, le bombardement de Mers el-Kébir du 3 juillet 1940 a achevé de ressusciter une haine franco-anglaise quasi ancestrale.
Enfin, Pétain n'a plus assez d'hommes en métropole pour relancer les hostilités. Il faut dire que son annonce radiophonique du 17 juin 1940 annonçant qu'il fallait "cesser le combat" et que l'armée française "avait rempli son devoir vis-à-vis de nos alliés" a eu un effet désastreux : par milliers, les soldats français se sont rendus à l'ennemi.
Et qui irait le leur reprocher ?
A quoi bon se faire trouer la peau si Philippe Pétain en personne, Maréchal de France et Président du Conseil, vient affirmer que cela n'en vaut plus la peine ?
C'est triste à dire, mais sans s'en rendre compte, c'est plusieurs centaines de milliers de soldats français que le Maréchal Pétain a ainsi envoyé en Allemagne pour quatre années de détention dans des Stalags.
Allocution du 17 juin 1940 par le maréchal Pétain
envoyé par oualabis. - L'info video en direct.
Quelques mois plus tard, le 22 juin 1941, les armées de l'Axe envahissent l'immense territoire soviétique.
Pour certains technocrates de Vichy, la guerre en Europe prend alors une nouvelle dimension : il s'agit plus d'être pour ou contre l'Allemagne nazie ; il s'agit dorénavant d'être pour ou contre le bolchevisme de Staline.
La raison d'être d'une partie des collaborateurs du régime de Vichy va donc progressivement glisser de la nécessité de se faire une place au soleil dans l'Ordre nouveau allemand à la nécessité de lutter pour la défaite du bolchevisme quitte à ce que cela passe par la victoire du nazisme.
C'est la formule de Pierre Laval du 22 juin 1942 : "je souhaite la victoire de l'Allemagne car, sans elle, le bolchevisme, demain, s'installerait partout".
Pour Raoul Follereau cette logique de raisonnement n'est pas nouvelle.
Dans les années 1920, Raoul Follereau a admiré Bénito Mussolini parce qu'il a vu en lui le protecteur de la civilisation latine face aux dangers du bolchevisme.
À partir de 1936, Raoul Follereau considère la guerre civile espagnole comme une machination satanique et judéo-bolchevique contre laquelle il entend mener une véritable guerre sainte.
Il est peu de dire que Raoul Follereau est habité par des sentiments violemment antibolcheviques. Son livre de 1936, La trahison de l'intelligence est, pour une grande partie, un exposé sur ce thème.
De même, voici ce qu'il écrivait, en décembre 1939, dans l'édito de son journal, L'Œuvre latine :
"La grande Allemagne doit disparaître (ndlr nous sommes en pleine drôle de guerre). Mais la lutte ne s'arrêtera pas à notre victoire ... le jour de l'armistice marquera le commencement d'une autre lutte plus dure encore et plus décisive : celle qui doit délivrer le monde du bolchevisme. Et cette guerre ne sera pas seulement aux frontières mais dans chaque pays, parfois dans chaque foyer. Il faut tuer l'idée maudite, ligoter cette philosophie dégoûtante de sang et l'étouffer dans son propre carnage... le bolchevisme a voulu la guerre. C'est seulement sur sa tombe que nos soldats vraiment victorieux pourront édifier la paix française. Et cette paix française sera chrétienne. (...) la paix devra détruire pour longtemps sinon pour jamais tout cet orgueil satanique, tout ce matérialisme bestial qui a submergé le monde depuis plus d'un demi-siècle."
La conséquence de ce glissement du régime de Vichy est son évolution progressive vers la collaboration à outrance. Cette collaboration à outrance prend alors plusieurs formes : économique, financière, militaire, etc.
Vichy : un régime vassalisé et asservi
Au fil du temps, le régime de Vichy va devenir une sorte d'État servile, marionnette dont le peu d'autonomie est utilisée pour satisfaire la puissance occupante.
Tout d'abord, il convient de préciser que, dès juillet 1940, les Allemands ont montré quelle était leur perception du respect de la convention d'armistice.
En effet, alors que la convention d'armistice ne prévoyait aucune diminution du territoire national français, les Allemands procèdent, dès le 4 juillet 1940, à l'annexion de facto de l'Alsace-Lorraine.
Concrètement, les autorités civiles sont expulsées (préfets, sous-préfets, maires), les élites francophones ou réputées francophiles également, la ligne de frontière et des douanes est déplacée de facto sur la ligne décidée par Bismarck en 1871, la langue allemande est imposée pour tous les actes de la vie courante, les noms de rue sont germanisés, etc.
De même, les français ayant acquis des biens immobiliers après le 11 novembre 1918 sont expropriés sans indemnités, les Juifs ayant fui leurs maisons sont interdits de retour, ceux qui étaient restés sur place sont expulsés sans ménagement vers la zone libre, etc.
Face à cet abus de pouvoir, le gouvernement de Vichy ne dépassera jamais le stade des protestations d'usage.
Dans le même ordre d'idée, Hitler avait prévu une zone de peuplement allemand dans laquelle le retour des réfugiés était officiellement interdit (voir carte ci-dessous) en totale contradiction avec la convention d'armistice.
Son objectif ne fait guère de doutes et ce point est confirmé par les archives diplomatiques : Adolf Hitler avait clairement pour volonté de dépecer la France. En créant une zone territoriale "tampon" où l'installation de germanophones en grand nombre serait facilitée, Hitler anticipait pour 5, 10 ou 20 ans plus tard, un rattachement au grand Reich. Dans les faits, heureusement, ce projet ne pourra pas être mis en application. Mais cela démontre malgré tout l'état d'esprit d'Hitler sur les relations franco-allemandes.
Dans le même ordre d'idée, la convention d'armistice prévoyait le versement, par la France, d'une indemnité d'occupation.
Or, cette indemnité se révéla, à l'usage, être fixée arbitrairement par l'Allemagne. via la parité franc-mark. Concrètement, c'est une perfusion financière permanente que l'Allemagne va s'octroyer sur le dos de la France. Concrètement, les indemnités atteindront des sommes hallucinantes (400 millions par jour acceptés sans négociation par le Maréchal Pétain) sans aucun rapport avec le coût réel de l'occupation qu'elles étaient sensées compenser.
En outre, la prestation de la France vis-à-vis de l'Allemagne ne s'arrête pas à des versements pécuniaires. L'Allemagne va directement utiliser la puissance industrielle et agricole à son profit et ponctionner la production nationale autant qu'elle le pourra.
Entre les volontaires pour le travail en Allemagne, les jeunes gens enrôlés de force dans le STO, et les réquisitions forcées, la France constitue une ressource précieuse pour l'économie de guerre allemande.
Cela fera dire au Général von Senger und Utterlin de la Commission d'armistice allemande :
"Sans le potentiel économique de la France, Hitler n'aurait pas pu faire durer la guerre aussi longtemps. C'est cela qui fut le grand profit qu'Hitler tira de la conquête de la France".
Fin 1942, une nouvelle humiliation attend le Maréchal Pétain. Hitler invoque le débarquement des anglo-saxons en Afrique du Nord pour considérer désormais sans effet la convention d'armistice du 22 juin 1940 et envahir la zone libre.
Au cas où Pétain croyait encore disposer d'un minimum de souveraineté et de légitimité, le voilà fixé. Ultime humiliation, l'invasion de la zone libre est réalisée ... le 11 novembre. Tout un symbole.
Entre temps, les Allemands se sont clairement immiscés dans la politique du gouvernement de Vichy. Le retour de Pierre Laval, démissionné par Pétain en décembre 1940 est exigé par les Allemands et obtenu le 17 avril 1942 en remplacement de l'Amiral Darlan.
Autres exemples de la perte de souveraineté du régime de Vichy face à l'autorité occupante : le Général Weygand, proche parmi les proches du Maréchal Pétain est arrêté par les Allemands, contre l'avis du Maréchal Pétain.
Quelle est la dignité d'un État qui ne peut même pas s'opposer efficacement à l'arrestation et à la déportation d'un de ses principaux fonctionnaires ?
Emprisonné dans le Tyrol autrichien, au château d'Itter, il y rejoint les soi-disants responsables politiques de la défaite de 1940 comme Gamelin, Reynaud ou Daladier. Ces derniers, bien que tous de nationalité française et soumis aux juridictions françaises, avaient été livrés par Pierre Laval aux Allemands.
Quelle est la dignité d'un État qui livre volontairement ses prisonniers à une puissance étrangère ?
Le régime de Vichy était-il déliquescent à ce point qu'il ne savait plus garder une geôle ?
Par la suite, à partir du début de 1943, le régime de Vichy sombre dans sa période la plus noire et la plus honteuse. Les Allemands imposent la présence d'hommes tout dévoués à leur cause tels Philippe Henriot, Marcel Déat et Joseph Darnand. Jusqu'au bout, le Maréchal Pétain et Pierre Laval garderont le cap et l'illusion d'être au service de la France.
En réalité, le régime de Vichy est devenu progressivement une des plus grandes hontes de l'Histoire de France. Deux exemples illustrent cette situation : la création de la Milice, chargée d'épauler les forces allemandes dans la lutte contre les réseaux de résistance (Vercors), les réfractaires du STO, les Juifs et autres communistes, même sans défense (assassinat de Mandel) et la création (dès juillet 1941) de la LVF qui ira combattre sur le front russe sous l'uniforme Waffen-SS avec la bénédiction du Maréchal Pétain.
Conclusions et responsabilités devant l'Histoire
En quelques mois, de juillet 1940 à janvier 1943, le régime de Pétain est passé de l'illusion du redressement national à la servitude la plus indigne. N'étant capable de que protestations aussi vaines que pathétiques, le Maréchal Pétain a entraîné la France sur la pente du déshonneur. Aujourd'hui, il n'existe que peu d'historiens sérieux pour prétendre que le Maréchal Pétain a servi utilement et dignement sa patrie. Au pire, le Maréchal Pétain est un traître qui a vendu la France à l'ennemi allemand ; au mieux, le Maréchal Pétain était trop usé par le poid des ans pour être l'homme de la situation qu'il prétendait être.
Le 30 octobre 1940, après avoir rencontré Hitler à Montoire, le Maréchal Pétain s'exprimait ainsi au peuple de France :
"Français,
J’ai rencontré, jeudi dernier, le Chancelier du Reich. (...)
C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration.
Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d'occupation.
Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l'administration et le ravitaillement du territoire.
(...) La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur. Du moins reste-t-elle souveraine. (...)
Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi. C'est moi seul que l'histoire jugera. (...)"
Au mois d'août 1944, après presque quatre années de collaboration qui est rapidement devenue de la compromission et du déshonneur, quel est le bilan de la politique de collaboration et de ces promesses ?
- - un pays victime d'un véritable racket humain, économique et financier,
- - un pays amputé de facto d'une partie de son territoire national,
- - un pays occupé intégralement par une armée étrangère,
- - des difficultés toujours plus grandes pour nourrir décemment sa population,
- - des prisonniers de guerre dont la plupart sont restés 4 ans en détention dans des conditions de vie pénibles et parfois mortelles,
- - une police et un gouvernement compromis dans le génocide des Juifs et la torture des résistants y compris après que la défaite allemande soit apparue inéluctable,
- - un pays ayant trahi des étrangers qui ont cru aux traditions d'accueil et d'hospitalité d'une société qui se prétendait civilisée,
- - un pays qui, sans le général De Gaulle et ses résistants que le Maréchal Pétain a cru bon de pourchasser, y compris jusqu'au mois d'août 1944, aurait été considéré par les Alliés comme un pays hostile et vaincu,
- - etc.
Il ne nous appartient pas de juger les hommes : la France s'en est chargée pour nous.
En 2001, André Récipon, fils spirituel de Raoul Follereau et père de Michel Récipon, actuel président de la Fondation Raoul Follereau, écrit dans la revue Le Maréchal de l'Association pour Défendre la Mémoire du Maréchal Pétain :
"Laval n'a jamais trahi (...) il est mort assassiné par des balles françaises. Son procès est une monstruosité judiciaire qui entache l'honneur de la France"
"Toute sa vie, Raoul Follereau restera fidèle au Maréchal et considérera sa condamnation comme une tache à l'honneur de la France" (voir l'article ici).
Outre ses fidélités pétainistes et, aveu encore plus étonnant, ses sympathies pour Pierre Laval "qui n'a jamais trahi", André Récipon n'hésitera pas à affirmer dans ses écrits récents ("Lettre à Hombeline", "Lettre à Mathilde") que le régime de Vichy du Maréchal Pétain constitua le sursaut nécessaire dont la France était privée depuis 1789 ainsi que divers propos sur la loi Gayssot et la dictature d'une pensée unique qui empêcherait de faire éclater la vérité sur l'histoire de la seconde guerre mondiale (ici). L'Histoire jugera.
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